Quand on n’a plus le temps, on se donne le temps. Ce serait là un bon résumé de la décision qui a animé le groupement d’agriculteurs à la création d’AlVelAl, en Andalousie.

Cette région de l’Espagne est pourtant le territoire qui se réchauffe le plus vite en Europe et en même temps grande productrice d’amandes. Une culture séculaire sur ce territoire mais qui par une demande mondiale sans cesse en augmentation s’est tournée il y a de nombreuses années vers une culture conventionnelle, intensive, grande consommatrice d’eau pour un rendement optimum. Ces deux facteurs cumulés, réchauffement climatique et consommation d’eau, menaient de façon radicale et rapide ces paysages vers un désert. Face à cette réalité des exploitants agricoles se sont réunis en association pour changer cela et régénérer leur environnement.

Qu’ont-ils de différents avec les autres exploitations qui entreprennent ce type d’initiative ? Peu, soyons francs.

Mais ce qui diffère est inspirant à relever.

AlVelAl c’est tout d’abord une démarche holistique, elle ne concerne pas que le mode culture, ces actions s’adressent à une globalité et enfin leur démarche s’exprime à l’échelle d’un territoire et non à celle d’une seule exploitation uniquement.

Une démarche holistique

Et nous espérons servir de phare, pour inspirer d'autres zones dans le monde et les inciter à entreprendre des projets similaires.

Miguel ÁNGEL GÒMEZ
Agriculteur

La problématique à laquelle les agriculteurs faisaient face était double : le manque d’eau et l’appauvrissement des sols. Les années d’agriculture conventionnelle avaient grandement mis à mal les réserves d’eau et petit à petit vidé le sol de ses substances nutritives par l’anéantissement du vivant qui l’occupe. Et comme l’avait relevé une agricultrice on peut difficilement demander à la terre de nous redonner quelque chose alors qu’on la prive de tout….

Fort de ce constat quelques agriculteurs ont décidé qu’il fallait faire quelque chose et donc redonner vie à leurs sols et non les abandonner pour cause de raréfaction de l’eau et donc des rendements. Ils souhaitaient continuer à produire mais différemment, c’est-à-dire … comme avant !

Agriculture régénérative, permaculture, relèvent de termes différents mais désignent les mêmes manières de cultiver. Manières utilisées pendant quelques siècles et abandonnées il y a quelques années… Encore une fois la solution existait il fallait juste s’en rappeler.

# Permaculture : La permaculture, née dans les années 1970, appliquée au maraichage, utilise des techniques anciennes telles que l’association de plantes et la densification, comme au temps des jardiniers / maraichers. Les traitements et les engrais chimiques sont proscrits. La permaculture crée un écosystème qui utilise les interactions entre les espèces pour assurer une production agricole durable et économe en énergie.

#Agriculture régénérative : L’agriculture régénérative agit pour restaurer et enrichir les sols. C’est une approche qui a été développée dans les années 80 grâce notamment au Rodale Institute, aux États-Unis. Au fur et à mesure ce modèle s’est enrichi de pratiques variées, issues de l’agronomie, de l’écologie et de la permaculture.

Et c’est à partir de ce point que cette association qui compte aujourd’hui 240 membres va faire une différence par rapport à d’autres exemples de permaculture, elle va agir dans une démarche globale pour son environnement. Et cette approche holistique elle la doit à l’ONG CommonLand qui va venir les soutenir dans leur démarche en déployant 26 millions d’euros échelonnés sur 20 ans (les fonds d’investissement n’investissent pas au-delà de ce laps de temps ndlr).

L’ONG agit pour la régénération par ce qu’elle a nommé : la philosophie des 4 retours.

  • Retour de la Terre = régénération du vivant
  • Retour économique = l’activité de l’exploitant doit être viable financièrement
  • Retour social = la population peut se fixer ou revenir s’installer grâce à l’activité viable financièrement.
  • Retour de l’inspiration = faire savoir un savoir-faire au travers de divers évènements et animations du territoire (ex : fête de la fierté rurale, restaurants locaux mettant en avant les produits issus de cette agriculture).

 

Le dernier point de cette philosophie nous amène donc au second aspect inspirant de cette association : le territoire.

 

Une démarche au-delà des champs

En effet AlVelAl rayonne à l’échelle de tout un territoire allant des provinces d’Almeria, Murcia et Grenade.

S’appuyer sur toute une zone géographique permet de valoriser la filière et de constituer une offre apte à ne pas seulement représenter une niche mais devenir un composant à part entière de l’offre d’amande bio sur le marché mondial, car aujourd’hui ce sont 140 000 hectares d’amandiers cultivés à sec et certifiés bio, ce qui fait de cette zone la plus grande culture de ce type au monde.

Il faut agir à notre niveau quand c'est possible et ne pas céder à la fatalité.

Juan Antonio MERLOS
Propriétaire d'une ferme d'amandiers - extrait interview la Gazette -

AlVevAl nous démontre que régénérer et en vivre est possible. Pour cela deux conditions ont été acceptées : le temps long et un investissement.

What else ? Continuer c’est sûr.

Yasmina

Écrit par Yasmina

Fondatrice du projet Sésame, convaincue qu'un monde plus durable se construit à plusieurs.

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